Des solutions agro-écologiques innovantes – l’agriculture biologique montre la voie
La sécurité alimentaire ne passe pas uniquement par l’augmentation de la production de denrées alimentaires (DA), mais plutôt par l’amélioration de l’accès a ce qui est produit et par l’intégration des technologies modernes aux systèmes agricoles agro-écologiques afin d’améliorer les moyens de subsistance dans les zones rurales – et ce de manière durable. L’agriculture biologique, considérée à tort par certains décideurs politiques et scientifiques comme peu innovante, présente de nombreux avantages. Les progrès réalisés en matière de biologie moléculaire, de nanotechnologies, d’information, de robotique, de GPS et de capteurs doivent aussi être pris en considération.
Pour nourrir davantage de personnes, il est essentiel de réduire radicalement la dégradation et la perte des services écosystémiques et de pallier la pénurie imminente d’énergie et de matières premières non renouvelables comme le phosphore. L’agriculture à haute valeur naturelle (HVN) est le meilleur moyen d’atteindre cet objectif. La HVN reconnaît que certains types d’agriculture sont extrêmement précieux pour la biodiversité. L’agriculture biologique en est le meilleur exemple et a déjà fait ses preuves auprès de 1,8 millions d’agriculteurs à travers le monde.1
L’Évaluation internationale des sciences et technologies agricoles (IAASTD) de 2008 mentionne aussi les progrès réalisés dans le domaine de l’agro-écologie pour assurer la sécurité alimentaire au lieu des technologies telles que le génie génétique.2 En outre, un groupe multidisciplinaire de scientifiques de renom mettait le monde en garde en 2009 contre le fait que l’agriculture moderne et la charge qu’elle représente pour l’environnement risquaient de menacer la stabilité même de la planète.3
Personne ne devrait avoir faim dans le monde car les quantités de DA produites sont suffisantes. Ce sont des obstacles politiques, économiques et sociaux qui entravent l’accès à ces denrées. La clé du problème est entre les mains des décideurs et des organisations économiques et politiques. Les populations ont également une part de responsabilités à assumer, les systèmes agricoles étant en mesure de mobiliser le capital naturel, humain et social dans les communautés rurales, lequel permet d’accroître les rendements avec bien plus de force que les technologies coûteuses. L’étude menée en 2008 par le PNUE et la CNUCED en Afrique avait permis de recueillir des données auprès de 1,9 millions d’agriculteurs répartis sur 2 millions d’hectares de terres et montrait l’efficacité d’une agriculture biologique et quasi-biologique pour améliorer les moyens de subsistance et l’accès à l’alimentation.4
Le génie génétique est censé être un puissant outil de sélection des végétaux. D’aucuns ont exprimé des doutes quant aux rendements qui seraient obtenus par l’utilisation des OGM. Les méthodes de sélection traditionnelles ont permis devant autant de succès d’atteindre des objectifs complexes, tel que la gestion du changement de l’environnement et la pénurie d’eau, de phosphore et d’azote. Quant à savoir si la modification génétique des plantes est réellement une solution efficace au plan macroéconomique, et si elle a ou non des conséquences inattendues sur l’environnement, la cohésion sociale et la santé humaine, la question reste controversée, même au sein de la communauté scientifique.4
Pour l’heure, les systèmes de culture sans travail du sol utilisant des OGM sont mis en avant comme étant la meilleure solution pour réduire l’érosion des sols et atténuer le changement climatique. Les cultures telles le canola, le soja, le coton, le maïs ou la cane à sucre sont génétiquement modifiées pour les préserver des désherbants totaux et éviter de devoir travailler le sol. Cette technique est recommandée dans de nombreux documents de politique de la FAO, de l’UE et de gouvernements. Cette pratique exclut cependant de nombreuses techniques agro-écologiques telles des successions culturales plus variées, l’intégration de légumineuses fixatrices d’azote, le recyclage des matières organiques et des nutriments issus de l’élevage, et l’utilisation de compost urbain. Ces techniques sont recommandées par le GIEC dans son rapport de 2007 sur l’atténuation du changement climatique.5
Plutôt que de recourir à de simples solutions technologiques, les solutions agro-écologiques innovantes axées sur les exploitations agricoles résilientes sont plus prometteuses pour la production alimentaire. Je suis convaincu que les systèmes d’agriculture biologique plus modernes et de pointe offriront aux agriculteurs des solutions puissantes et deviendront la priorité de la politique agricole nationale et internationale.
Urs Niggli est également professeur honoraire en gestion de la recherche en agriculture à l’Université de Kassel, Allemagne.
1 Willer, H. et Kilcher, L. (Eds.) (2011), The World of Organic Agriculture – Statistics and Emerging Trends 2011, IFOAM, Bonn et FiBL, Frick.
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Rapports de l’Évaluation internationale des connaissances, des sciences et des technologies agricoles pour le développement (IAASTD) (2008), www.agassessment.org.
Résumé analytique du rapport de synthèse:
www.agassessment.org/docs/SR_Exec_Sum_280508_French.pdf
3 Rockstöm et al. (2009), ‘A safe operating space for humanity’.www.nature.com/nature/journal/v461/n7263/full/461472a.html
4 Équipe spéciale CNUCED-PNUE chargée du renforcement des capacités dans les domaines du commerce, de l’environnement et du développement (2008), Agriculture biologique et sécurité alimentaire en Afrique. www.unctad.org/en/docs/ditcted200715_en.pdf
5 P. Smith, D. Martino, Z. Cai, D. Gwary, H. Jansen, P. Kumar, B. McCarl, S. Ogle, F. O’Mara, C. Rice, B. Scholes, O. Sirotenko (2007), ‘Agriculture’, in Climate Change (2007): Mitigation. Contribution du Groupe de travail III au quatrième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat [Metz, B., Davidson, O.R., Bosch, P.R., Dave, R., Meyer, L.A. (eds.)], Cambridge University Press, Cambridge, Royaume-Uni et New York, NY, USA. Disponible à l’adresse www.ipcc-wg3.de/publications/assessment-reports/ar4/.files-ar4/Chapter08.pdf/view
Rapport de synthèse: http://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar4/syr/ar4_syr_fr.pdf