'Selon une nouvelle étude importante, Building Biodiversity
Business, soutenue par l'Union internationale pour la conservation
de la nature et de ses ressources naturelles (UICN) et Shell
International, 'l'idée de tirer profit de la protection de la
biodiversité peut sembler étrange; c'est en fait une condition
essentielle à la mobilisation des investissements privés en faveur
de la sauvegarde. Sans profits, les entreprises meurent et les
marchés stagnent'.
De la foresterie aux pêcheries en passant par la bioprospection
et l'écotourisme, la sauvegarde de la biodiversité peut être
lucrative, selon l'étude de 164 pages. Elle identifie les
opportunités commerciales et les craintes des exportateurs en se
focalisant particulièrement sur les marchés émergents.
Foresterie
Un débouché accru pour de nombreuses entreprises concerne la
gestion des ressources forestières de façon à optimiser diverses
activités: vente de produits en bois certifiés, recours aux marchés
émergents pour les services environnementaux, produits
forestiers non ligneux (PFNL), écotourisme et autres produits
et services 'verts'.
Produits forestiers non ligneux (PFNL)
Les PFNL, dont la 'viande de brousse', qui garantissent moyens de
subsistance et revenus, sont très importants pour les populations
rurales pauvres. Ils incluent: noix comestibles, champignons,
fruits, herbes, épices, miel, caoutchouc et résines, rotin, bambou,
chaume, liège, plantes ornementales et fleurs, et une série de
produits végétaux et animaux à vocation médicale, cosmétique,
culinaire et culturelle.
Outre les usages locaux, de nombreux PFNL sont exportés. Ainsi,
International Network for Bamboo and
Rattan estime à US$ 5 milliards par an le commerce mondial
du bambou et du rotin. Les exportations de pousses de bambou de
Taïwan représentent à elles seules près de US$ 50 millions
alors que l'Indonésie exporte du rotin à hauteur de US$ 700
millions (70% du commerce mondial).
Les opportunités commerciales spécifiques aux PFNL incluent:
- Des investissements dans un portefeuille d'entreprises PFNL,
soit dans un petit nombre de marchés de produits à fort potentiel,
soit dans un 'éventail de marché' plus large qui promeut certaines
pratiques dont les récoltes durables et le soutien des communautés
locales.
- Des investissements dans des fonds destinés aux PME qui
soutiennent les entreprises PFNL, avec équité et/ou financement de
la dette. Alternativement création de fonds spéciaux pour les
entreprises PFNL, notamment dans les régions offrant un potentiel
de marché et de conservation non couvert par les fonds existants,
comme dans des régions d'Afrique et d'Asie.
- Un soutien à l'adoption plus large de la certification PFNL, au
développement de systèmes à plus bas coût et à la recherche pour
mesurer l'impact de la récolte des PFNL au niveau des
espèces/produits individuels et de l'habitat/du paysage.
Pêcheries et aquaculture
L'aquaculture est en plein essor, notamment en Asie et on la
considère de plus en plus comme une solution potentielle à la
surpêche de stocks sauvages même si elle amène son lot de problèmes
environnementaux. Plusieurs programmes de certification sont en
cours de développement afin de promouvoir la durabilité de la pêche
de capture et de l'aquaculture, mais seule une fraction de leurs
opérations recourt réellement à des pratiques écologiques. Il faut
élargir la certification des pêcheries aux méthodes durables afin
de s'attaquer à des problèmes comme 'la prise accessoire' de
poissons (prise inintentionnelle d'espèces) et d'élargir également
la couverture aux pays en développement, où la certification est
actuellement très limitée.
Compensation pour la diversité biologique
Selon la Banque mondiale, 'les transactions sur le marché mondial
du carbone ont atteint US$ 30 milliards en 2006, soit trois
fois le chiffre de 2005'. Mais si les projets agricoles et
forestiers peuvent vendre des crédits carbone via le Mécanisme pour
un développement propre du Protocole de Kyoto, peu de transactions
ont été approuvées à date. La majorité des activités liant carbone
et biodiversité ont concerné le marché volontaire en pleine
croissance alors que les entreprises et les individus cherchent à
compenser leurs émissions pour satisfaire leurs propres objectifs
de réduction.
Il faut poursuivre l'expérimentation sur le marché volontaire du
carbone, y compris par un soutien à la déforestation évitée et aux
initiatives connexes qui regroupent les paiements pour un large
éventail de biens et services environnementaux, incluant le carbone
et les avantages de la biodiversité.
Paiements pour la protection des bassins versants
Les paiements pour la protection des bassins versants sont de plus
en plus utilisés et vont d'utilisateurs privés qui paient des
agences et des ONG spécialisées sur l'environnement à des paiements
directs par des gouvernements à des propriétaires privés.
Trouver un acheteur intéressé par des services de
protection des bassins versants est souvent l'obstacle majeur à
l'introduction de tels régimes ou à leur maintien sur le long
terme. Il faut identifier les usagers en aval pour lesquels les
paiements sont une option plus rentable que l'investissement dans
un traitement de l'eau coûteux ou le développement de nouvelles
sources d'alimentation en eau.
Il est très possible de renforcer le co-financement par le
gouvernement et des agences de développement et, dans certaines
régions, de transférer le programme aux utilisateurs d'eau locaux.
La contribution à la réduction de la pauvreté peut être importante
attendu les faibles revenus des agriculteurs des plateaux par
rapport aux utilisateurs d'eau en aval.
Bioprospection
La bioprospection est la recherche systématique de gènes, composés,
molécules et organismes ayant un usage économique potentiel et
pouvant faire l'objet d'un développement commercial.
On a peu de chiffres fiables sur la taille de l'industrie de la
bioprospection mais sa croissance a jusqu'alors déçu nombre de ses
défenseurs. Par exemple, le Costa Rica a reçu US$ 4,5 millions
via des accords de bioprospection, une somme modeste comparée aux
US$ 400 millions générés par l'écotourisme.
Une source évalue le marché actuel entre US$ 17,5
millions-US$ 30 millions et d'ici 2050, il devrait dépasser
US$ 500 millions. Les investisseurs potentiels en bioprospection
doivent faire la preuve que leurs activités profitent à la
biodiversité et aux populations locales.
Il existe de sérieux risques commerciaux liés à la
bioprospection, notamment celui d'atteinte potentielle à la
réputation liée aux accusations de biopiraterie (appropriation des
connaissances autochtones sans compensation pour les groupes
autochtones qui ont initialement développé ces connaissances).
Ce sont les pays offrant un libre accès, des politiques de
partage des bénéfices et un solide cadre institutionnel qui
offriront vraisemblablement les opportunités les plus adaptées. Sur
cette base, on pourra peut-être réduire les risques en investissant
dans les entreprises qui soutiennent activement les communautés
pourvoyeuses de matières premières.
Les pays en développement pourraient améliorer leurs services de
santé en demandant aux grandes entreprises pharmaceutiques de les
aider à améliorer leur capacité à rechercher et développer leurs
propres médicaments contre un accès aux ressources naturelles,
plutôt que d'émettre des hypothèses irréalistes sur le montant des
gains financiers générés par la bioprospection.
Compensation pour la diversité biologique
Le recours à la compensation légale pour la diversité biologique
(offre de mesure de protection pour compenser la réduction
éventuelle de la biodiversité) progresse, notamment en Australie,
au Brésil, au Canada, en Suisse et aux États-Unis. La Directive sur
la responsabilité environnementale, adoptée par la Commission
européenne en 2004, pourrait déboucher sur des accords similaires
en Europe. Des politiques analogues sont en cours d'élaboration au
Mexique, en Nouvelle-Zélande et en Ouganda.
En outre, on s'intéresse de plus en plus au potentiel des
compensations volontaires. Certaines entreprises se sont
publiquement engagées à appliquer des compensations pour la
biodiversité liées à leur 'empreinte' tandis que de grands
investisseurs considèrent la compensation comme une nouvelle
opportunité commerciale ainsi qu'un indicateur de la bonne
gouvernance d'entreprise.
Les opportunités de compensation pour la biodiversité
incluent:
- Créer une 'banque' écosystémique locale permettant d'acheter ou
de louer des terres, de les restaurer et de vendre des 'crédits'
d'habitat aux agences publiques et aux entreprises privées qui ont
besoin d'une compensation pour assurer la mise en conformité
réglementaire ou satisfaire les engagements volontaires liés à la
'non-perte globale' .
- Devenir un 'intermédiaire' en services écosystémiques en
achetant des crédits environnementaux auprès de propriétaires
terriens (garantis par des droits au développement) plutôt que de
la terre elle-même et vendre des crédits à ceux qui achètent à des
fins de mitigation, comme ci-avant.
- Offrir des 'compensations pour les importations'. Identifier
les priorités globales de sauvegarde, définir des normes de
compensation crédible et créer un système de contrôle pour les
entreprises susceptibles d'acheter des compensations volontaires
pour toutes les importations qui ne sont pas encore certifiées
'durables'. Les compensations seraient fournies par des
prestataires accrédités et soumises à un contrôle indépendant et un
renouvellement régulier.
Services de gestion de la biodiversité
Ce marché spécialisé devrait beaucoup progresser, alors que les
secteurs publics et privés prennent conscience des opportunités
inhérentes et des risques liés au commerce de la
biodiversité.
Il existe plusieurs opportunités à but non lucratif susceptibles
d'être soutenues par un groupe d'études et de réflexion, et de
déboucher sur des opportunités d'investissement additionnelles (à
but lucratif) via la société civile, la recherche, des
courtiers de partenariats et des initiatives de renforcement
de la capacité du secteur public.
Les opportunités plus directes à but lucratif pourraient
inclure: intégration de la biodiversité dans les processus d'étude
de l'impact sur l'environnement (EIE); fourniture de services de
restauration/réhabilitation de l'écosystème; comparaison des
performances en matière de biodiversité; application et
certification des plans d'action en faveur de la biodiversité; ou
création et certification des compensations pour la
biodiversité.
Chasse récréative et pêche sportive
Il existe des opportunités de collaborer fructueusement avec des
organisations de chasse et pêche récréatives pour soutenir la
sauvegarde de la biodiversité dans les pays développés et ouvrir un
nouveau chapitre ou établir un partenariat de mentorat avec des
organisations similaires dans des pays en développement afin
d'appliquer des programmes de conservation.
Quelques marchés de l'écosystème et leur potentiel de croissance
- (US$ par an) 


Le rapport Building Biodiversity Business de Joshua Bishop,
Sachin Kapila, Frank Hicks, Paul Mitchell et Francis Vorhies, peut
être téléchargé à l'adresse: http://data.
iucn.org/dbtw-wpd/edocs/2008-002.pdf