Kenya: Design, diversité et qualité

'Design', 'diversité' et 'qualité',
autant de qualificatifs qui revenaient sur les lèvres des visiteurs
des stands du Kenya où les huiles essentielles, les tisanes,
l'huile de noix de coco et les noix de macadam certifiées bio
reflétaient la tendance du pays à la diversification et l'ajout de
valeur aux produits. La brousse semi-désertique qui s'étend du Mont
Kenya jusqu'en Somalie abrite des arbustes épineux des espèces
Boswellia et Commiphora. Depuis 2007, une petite entreprise, Arbor
Oils of Africa, utilise la résine récoltée par les nomades samburus
pour produire le premier oliban au monde certifié bio.
Selon Hilary Sommerlatte de Arbor Oil, la raison pour laquelle
aucune demande de certification bio n'avait été demandée jusque-là
tient à l'éloignement des régions de production (à huit heures au
nord de Nairobi), qui accroît les problèmes de logistique et le
coût de la certification.
Près de 200 familles samburus récoltent désormais la résine, qui
une fois distillée à la vapeur d'eau, a permis d'extraire près de
200 kg d'huiles essentielles en 2007. Le prix du litre
d'oliban certifié bio avoisine € 145; l'objectif de production est
fixé à 20 tonnes, niveau jugé durable par l'entreprise.
La région du Mont Kenya abrite aussi la Kenya Nut Company, qui,
sous la marque 'Out of Africa', exporte des noix de macadam
certifiées bio (et un peu de café). L'entreprise, qui a participé à
Biofach pour la première fois, emploie plus de 2 000 personnes
et produit 1 500 tonnes de noix de macadam, dont 1 000 tonnes
certifiées bio.
Selon Naomi Munga, 'la production bio est en grande partie
exportée vers l'Europe, les États-Unis et l'Extrême-Orient'. Comme
de nombreux producteurs bio, elle se plaint des difficultés
rencontrées par les exportateurs pour obtenir des certificats bio
et divers certificats spécifiques aux marchés de pays
industrialisés. Elle ajoute qu'il s'agit là d'un problème majeur
coûteux.
Plus au sud, près du port kényen de Mombasa, Coast Coconut Farms
se prépare à la conversion de ses fournisseurs au bio. David Okello
décrit la société comme une 'entreprise sociale à but lucratif',
qui travaille avec de grandes sociétés et des micro-franchises des
régions rurales.
M. Okello estime que 'si l'huile de coco était certifiée, son
prix pourrait plus que doubler et passer de € 6 à € 16 le litre. Il
vaut mieux travailler en bio; c'est bon pour le chiffre d'affaires
et les consommateurs. Notre plus grand problème est de nous faire
connaître; ce salon va combler ce vide.'
Meru Herbs produit du carcadé, boisson santé issue de l'hibiscus
tropical, dans l'est du Kenya depuis 1989. Près de 164 fermes avec
lesquelles elle travaille sont certifiées bio tandis que 136 autres
sont en passe de l'être. L'Association des fermiers a été fondée en
1991 pour financer les coûts d'entretien d'un projet visant à
fournir de l'eau pour l'irrigation et l'usage domestique à 430
familles.

Zimbabwe: Implication de la communauté
Alors que nombre d'investisseurs étrangers se détournent du
Zimbabwe, un entrepreneur social a su saisir une opportunité
commerciale unique associant la communauté locale. En 2007,
Dominikus Collenberg a lancé Kaite, société germano-zimbabwéenne
spécialisée dans les herbes, les épices et les plantes aromatiques
et médicinales. En shona, langue locale, Kaite signifie 'tâche
consciencieusement accomplie' et en vieil allemand 'ferme du petit
agriculteur'.
Avec le taux d'inflation le plus élevé du monde, le pays était
mal placé pour attirer les investisseurs étrangers; Collenberg
motive son choix 'par le désintérêt vis-à-vis du pays et le
désespoir de la population. J'ai choisi une production à forte
intensité de main-d'œuvre. Nous ne travaillons pas qu'avec les
fermiers; nous employons aussi des travailleurs sans terre pour le
ramassage sauvage.'
Kaite forme les fermiers à l'utilisation de techniques agricoles
bio novatrices et aide la communauté locale en offrant aux fermiers
séropositifs et à leur famille des soins, et en payant la scolarité
des orphelins.

Rwanda: Aide pour rebâtir l'économie
Les produits bio contribuent à rebâtir l'économie de ce pays
autrefois ravagé par la guerre; l'huile de géranium notamment
redonne espoir aux veuves et aux orphelins. À l'époque coloniale,
le Rwanda produisait des huiles essentielles de géranium mais le
secteur n'a pas survécu à l'indépendance en 1962. Lorsque l'ASNAPP,
organisation non gouvernementale spécialisée dans la création et le
développement d'entreprises africaines de produits naturels, a
cherché de nouveaux projets pour venir en aide aux survivants de la
guerre civile et du génocide, l'huile de géranium s'est
imposée.
Les géraniums ont un bon rendement, ce qui compte dans un pays
frappé par une pénurie de terres agricoles. Fondée en 2003, Ikirezi
Natural Products recrute majoritairement des veuves et des
orphelins de guerre et du SIDA.
Il est très difficile d'aider les veuves,' selon Nicholas
Hitimana, Directeur, 'si on peut améliorer leur revenu, autant
associer d'autres personnes. C'est toujours mieux que l'aumône.'
Ikirezi, 'pierre précieuse' en dialecte local, travaille avec des
coopératives dans trois secteurs: Byunde au nord près de la
frontière ougandaise; près de la capitale Kigali; et dans le sud
près de Kibungo, où se situe l'entreprise la plus importante qui
absorbe les trois-quarts des 800 ouvriers de la société.
La production totale a avoisiné 60 kg en 2007, première
année d'exploitation; elle devrait passer à 500 kg cette
année. Le choix du bio a été motivé par des raisons purement
économiques. Les profits générés, qui représentent US$ 150/kg,
sont deux fois supérieurs à ceux du pétrole. Les installations des
coopératives et de l'entreprise ont été certifiées bio par Ecocert
en Allemagne.
Ouganda: Création du secteur bio
Grâce à un secteur bio très dynamique et à la plus grande surface
certifiée bio d'Afrique, l'Ouganda espère devenir un important
fournisseur de produits bio. Baptême du feu pour nombre de
fournisseurs, le salon les a préparés à la prochaine étape de
l'Initiative ougandaise en faveur des exportations bio, projet mené
par l'ITC en coopération avec le Mouvement national ougandais pour
l'agriculture biologique (NOGAMU). Ce projet entend améliorer les
moyens d'existence d'au moins 2 500 familles ougandaises en
fournissant la formation et l'expertise, et en les aidant à se
hisser sur les marchés bio.
Sur la base de leur compétitivité potentielle, deux entreprises
et deux associations d'agriculteurs ont été choisies: Rural
Community in Development (RUCID), Good African Coffee, Kaliiro
Organic Farmers' Association et Katuka Development Trust. Le projet
offrira une formation de groupe pour renforcer la capacité bio et
développer un système de contrôle interne qui nécessitera un suivi
plus restreint du certificateur.
Samuel Nyanzi, Directeur exécutif de RUCID et Président de
NOGAMU, appuie le projet. Depuis 2000, il produit des pommes,
bananes, mangues et ananas séchés grâce aux fruits cultivés par
près de 120 fermiers de la région de Lubanja à 68 km au sud-ouest
de Kampala.
Le principal problème pour l'entreprise concerne l'obtention du
certificat bio et l'augmentation de la production à un niveau tel
que les exportations soient viables. La production journalière est
de 35 kg de mangues et d'ananas séchés, chiffre jugé insuffisant
par Nyanzi.
L'argent est le nerf de la guerre. La certification est coûteuse
et l'entreprise doit financer la période allant du paiement des
matières premières aux fermiers jusqu'aux premières rentrées
d'argent.
Stephen Sjenkima de l'Association des fermiers bio de Kaliiro
dans le district de Lyantonde au sud-ouest de l'Ouganda, se lance
aussi dans le bio dont il pense qu'il créera des opportunités
commerciales plus grandes. 'Nous voulons maximiser notre potentiel
de marché. Le certificat multiplie les options,' dit-il. 'Les
ananas sont une denrée périssable, peu rentable sur le marché
local. J'améliore mes connaissances avant de les partager avec
d'autres à mon retour. J'élargis leur vision. Le marché est bien
réel.'
Katuka Development Trust regroupe près de 5 000 producteurs
de café de la région centrale de l'Ouganda, opère depuis trois ans
et espère que 10% des fermes décrocheront leur certification
bio en 2008.
'La plupart des producteurs vendent à des intermédiaires,'
déclare Grace Lwanga, représentante de l'entreprise. 'Le certificat
bio leur offrira des débouchés alternatifs et un pouvoir de
négociation supérieur.' L'entreprise souhaite aussi demander une
certification Fairtrade.
Tharcisse Maniraho de Good African Coffee a pu comparer la
qualité de son café avec celle d'autres producteurs africains.
'Grâce à çà, nous avons auto-évalué nos produits en termes de
qualité et d'emballage.' L'entreprise vend du café localement mais
également dans les supermarchés Waitrose, Tesco et Sainsbury au
Royaume-Uni. La société regroupe près de 14 000 petits
producteurs de café de la région de Ruwenzori. Environ 3 000
fermes participent au projet, qui, avec le soutien de l'ITC, les
aide à obtenir la certification bio qui ajoutera de la valeur à
leurs produits.
